Le pouvoir de l'amour - Anna Combelles

Laissez un commentaire

A une époque, pas si lointaine, j'écrivais des fan-fictions. 


Un jour, en rentrant chez moi, j'ai entendu cette chanson, 
The power Of Love de Frankies Goes Too Hollywood. 


Ces paroles m'ont inspiré ce texte, avec deux personnages que j'affectionne. 

Il dormait depuis longtemps dans mon ordinateur, j'ai décidé de vous l'offrir. 


Les paroles en anglais sont celles de cette magnifique chanson. 



Alors que le vent, froid et puissant, soufflait, un jeune homme, vêtu d’une immense cape de soie noire, se faufilait dans les rues sombres de la grande capitale. Il marchait d’une allure vive, tête baissée, à demi cachée par le haut col de sa tenue. Il s’arrêta et se tapit dans un recoin. L’objet de sa filature venait de laisser choir un mouchoir. Il soupira. Ce guet était vraiment une mauvaise idée. L’autre pouvait le voir, sentir sa présence au moindre faux pas…

I'll protect you from the hooded claw

Mais, comment résister ?
Il reprit son cheminement attentif, le suivant dans chacun de ses déplacements... il le lui avait promis, avant...

Keep the vampires from your door

…avant de devenir une ombre.
Il maugréa, lorsqu’un chat souffla aigrement. Il retroussa ses lèvres en un rictus sauvage et la bête s’enfuit, miaulant tout son effroi. Il ricana.
L’homme continuait sa progression. S’était-il seulement aperçu qu’un animal venait de s’égosiller ? Le guetteur en douta. Amèrement.
L’autre avait tant perdu, cette nuit-là. Jusqu’à son sourire si merveilleux qui éclairait son visage pâle. Il sentit au fond de lui son estomac se contracter. Il ne devait plus penser à tout cela ! Il n’était qu’un souvenir…
Une ombre qui avait promis de le protéger !

Feels like fire

Mais peut-on lutter contre l’amour ?
L’autre poussa la porte d’une taverne. Il le suivit dans cet antre de débauche et le vit s’installer à une table ronde, seul. Une serveuse, jolie, vint quérir la commande. Il ne l’entendit que trop bien. Leur boisson…

I'm so in love with you

Il soupira. Il s’évertua à se fondre dans la noirceur d’un coin de la pièce. Proche. Très proche. Mais toujours dans l’ombre.
Cette nuit, encore, l’autre boirait. Trop. Il s’enivrerait pour noyer les réminiscences de leur passé. Pour bannir ses souvenirs de leur amour. Pour effacer cette soirée macabre où il avait perdu la vie. Le souffle. Pour chasser de sa mémoire les combats morbides. Les luttes incessantes. Les morts. Pour oublier sa décadence, sa propre déchéance. Et l’accumulation de cercueils autour de sa misérable existence.
Pour que ses rêves soient plus beaux que la triste réalité.

Dreams are like angels

Pour que les démons restent derrière les fenêtres. Il murmura.

– Oublie tous les malheurs qui t’ont frappé. Jusqu’à ma mort… parce que dans tes rêves, je le sais, je suis encore là. Parce que notre amour subsiste. Que tes bras se serrent encore sur mon corps et me font vibrer, tout autant que nos baisers ! Alors, oui, rêve mon amour. Rêve et laisse-moi me charger des démons.

They keep bad at bay-bad at bay

Et si un jour, je trouve la force de sortir de l’ombre, de venir dans ta lumière et de te dire combien je t’aime, combien tu me manques ?

Love is the light

Combien toutes ces heures à te voir dépérir me font souffrir ? Oh, mon amour… que la nuit est froide. Que la mort est triste sans toi.

Scaring darkness away-yeah

Et l’homme but. Il commanda verre sur verre, au-delà de la raison. Et lorsqu’il se leva, il tituba. L’ombre manqua de le rattraper et de s’exposer à la lumière, certes doucereuse, de cette taverne et de faire s’effondrer le peu de lucidité qu’il restait à son amant. Il le laissa tomber à genou et serra ses poings. Il suffoquait de le voir dans cet état misérable.
Mais le temps où ils se retrouveraient n’était pas encore venu. Pas ce soir. Pas ainsi. Alors, il se mura dans une torpeur indicible et attendit que l’autre se relève, se trémousse maladroitement jusqu’à la porte, et chancelle dans la rue, sombre et froide.
Il le suivit. Pas à pas.
Enfin, l’homme parvint devant sa demeure, magiquement cachée, où il croupissait depuis l’avènement des sorciers fous. Il brandit, tremblant, sa baguette. L’entrée apparut. Petite chose en bois meurtri, fané. Il la poussa. Un horrible crissement raya la nuit. L’autre n’y porta pas d’intérêt et s’engouffra dans l’antre presque chaleureux.
Il ne pouvait pas pénétrer ce lieu. Il n’avait pas été convié. Il s’enveloppa dans sa cape et disparut.

I'm so in love with you

Pour ce soir, l’autre était enfin en sécurité. Nul ne pouvait franchir la porte d’un sorcier sans y être attendu. Invité.
Le guetteur réapparut en haut d’une maison lugubre. Abandonnée par les années et s’effondrant peu à peu, ruinée par le manque de vie, d’âme. Il marcha sur le bord du toit, tel un somnambule, et se laissa glisser le long de la façade. Il s’élança au travers une fenêtre éventrée.

Purge the soul

Il médita un long moment, toisant les étoiles, avant de s’enfoncer dans la noirceur de la demeure. Descendre dans les bas-fonds. S’enfouir dans les ténèbres éternelles et devenir, l’espace d’une nouvelle journée, un souvenir.

Make love your goal

Pour que demain, il puisse le protéger. Par amour. Car c’était la seule chose qu’il désirait encore. Son unique raison d’exister. De survivre. Son seul but.

Make love your goal

Combien de fois, ces pairs lui avaient intimé de laisser cet humain à ses tourments, de devenir un être parfait. Un immortel aux pouvoirs décuplés. L’un d’eux avait même tenté de le détourner de son affection, de s’immiscer dans son lit, de lui offrir une nuit charnelle. Une éternité de luxure et de plaisir contre ces ténèbres de souffrance amoureuse.
Il déglutit.
Son corps lui manquait. Son odeur, sa peau douce sous ses doigts…

This time we go sublime

Et leurs ébats sensuels. Les caresses divines et tendres. Les baisers suaves. Il laissa un gémissement sortir de sa gorge sèche. Et des larmes coulèrent, rouges de sang, sur ses joues blanches.

Lovers entwine-divine divine

La journée fila. La pénombre vint.
Et, avec elle l’attente.
Son amant sortit, jeta un coup d’œil discret vers le parc, enfonça ses poings dans les grandes poches de sa redingote et s’élança sur le pavé sonore de la rue sombre. Il apparaissait toujours à la même heure. Nuit après nuit. L’heure où ils s’étaient avoué leur tendresse. L’heure où ils l’avaient consumé. L’heure où ils avaient franchi les portes du plaisir. Malgré les interdits, les barrières érigées entre eux.

Love is danger, love is pleasure

Il marcha. Longtemps. Dans les rues, les passages étroits. Il arriva sur une place et vint frôler de ses doigts fébriles l’eau glaciale d’une fontaine. Il se mira un instant dans le miroir fantasmagorique. Ses traits tirés, ses yeux vides, ses lèvres blanchies. Un fantôme aurait été plus coloré.
Il porta à sa bouche entrouverte une goutte de ce liquide de vie et ferma les paupières sous le contact divin. Il refoula une larme. Sa décision était prise. Sa main regagna l’antre chaud de la poche de sa redingote. Il dégaina une fine lame argentée.

Love is pure-the only treasure

Doucement, il la plongea dans le liquide brillant, comme pour couper son reflet honnit, puis vint la poser délicatement sur son avant-bras.

I'm so in love with you

– Je ne peux pas vivre sans toi, souffla-t-il.
Le guetteur amoureux sentit en lui une secousse effroyable. Un sentiment confus de joie mêlé à la terreur. Sa vie ne tenait qu’à un coup de lame. Mais sa mort serait si douloureuse. Il s’avança vers l’autre, telle une ombre et saisit son poignet avant le geste fatidique.

Purge the soul

Leurs prunelles se croisèrent. Et sur les lèvres pâles de son amant naquit un sourire divin.
– Prends mon sang et donne-moi à boire le tien.

Make love your goal

– Je m’y refuse. Tu dois vivre.
– Mais je meurs chaque jour un peu plus de ton absence.
– Je suis là. Toujours.
– Alors, prends-moi. Emmène-moi dans tes bras. Aime-moi !

Make love your goal

L’autre se dégagea de l’emprise pourtant solide, et trancha vivement son bras. Le liquide fusa. Long filet de vie qui s’écoulait. Il tenta de résister. L’odeur chatouilla ses narines, provoqua une sensation de faim, de soif. Il sentit ses dents s’affiner et le trouble de son esprit grandir. Il savait qu’il ne pourrait lutter durablement contre l’appel du sang… il succomberait.

The power of love

Alors, il céda. Il accepta ce cadeau et y puisa la force. Il but le sang et retrouva dans cette effusion gargantuesque le goût de son amant. Sa saveur délicate. Et quand il fut rassasié, d’un petit coup de canine il entailla sa lèvre avant d’embrasser l’homme abandonné dans ses bras. Il déversa en lui le liquide sombre et maculé de sa nouvelle puissance. Il lui offrit la rémission. Il lui donna sa mort.

A force from above

Au petit matin, lorsque le soleil darda ses doux rayons, il emportait son amant dans les profondeurs de sa lugubre demeure. Il déposa le corps inerte sur le grand lit de sa chambre mortuaire et le déshabilla. Il le lava. Sensuellement. Puis, il le couvrit d’un fin drap de lin opaque, avant de s’asseoir dans un fauteuil de velours élimé.
Qu’avait-il fait !
Il enserra ses tempes de ses mains tachées. Souillées.
Qu’avait-il accepté !

Cleaning my soul

Des mois d’abstinences, anéanties en une nuit.

The power of love

Trois nuits durant, il abreuva le corps de son amant. Il partait, dès les ténèbres tombées, en quête d’une victime. Souvent de pauvres erres décharnées, épuisées par une existence misérable, à qui il offrait un dernier repas chaud avant de les saigner, simplement. Il venait, ensuite, déverser par de longs baisers, le flot de vie. Le flux de mort, entre les lèvres froides de l’être qu’il adorait plus que sa propre âme.

A force from above

Et quand, enfin, le sorcier ouvrit ses paupières, dans la noirceur de la troisième nuit, il sentit son cœur bondir. Ses magnifiques prunelles pleines de cet amour si espéré. Ses grands yeux silencieux et pétillants.
Ils laissèrent leurs corps assouvir ce rite amoureux trop longuement attendu. Les mains ne délaissaient une parcelle de peau que pour en caresser une autre. Les lèvres donnaient tant de doux effleurements, tant de suaves cajoleries… tant d’amour.
Lorsqu’ils quittèrent le lit de leurs ébats, le ciel étoilé les accueillit. Calme. Déchiré du chant de quelques oiseaux aux mœurs étrangement noctambules.

A sky-scraping dove

De troublantes colombes aux ailes trop blanches venues voir la mort renaître…
Ils parcourent les rues sombres, mais leurs sourires effaçaient toutes les noirceurs. Ils riaient. Ils dansaient au gré des musiques emportées par le vent. Ils s’aimaient. Encore. Toujours. Et cette nuit, ils le montreraient au monde.

Flame on burn desire

Demain, les autres viendraient quémander leur dû, rejetteraient leur couple, l’infamie de cette relation. Leur vie se résumerait, à présent, à des nuits de chasse et leurs jours à du repos dans une alcôve calfeutrée.
Ils arrivèrent dans sa rue. Le sorcier sortit, comme à son habitude, sa baguette du fond de la poche de sa grande redingote et actionna le sort. Les pans de murs laissèrent naître la maison. Il monta les marches et au moment de pénétrer dans l’antre sacré, se retourna.
– Entre, susurra-t-il.

Love with tongues of fire

Le jour, long et brûlant, ils restèrent cloîtrés dans les pièces fermées. Ici, le noir n’était pas une illusion, la lumière avait été bannie depuis des lustres… les murs semblaient la haïr tout autant que les nouveaux habitants. Ils purent circuler dans les veines de la maison, sans risquer d’être désagrégés.
Ils purent partager, échanger, se rappeler les années passées ensemble, et celles qu’ils voulaient chasser de leur mémoire. Celles où ils avaient vécu côte à côte sans pouvoir se voir. Se toucher.

Purge the soul

– Tes amis vont te manquer.
– Mais je t’ai enfin retrouvé.
– Ils voudront te convier chez eux.
– Mon silence les poussera à m’oublier.
– Ils t’aiment.

Make love your goal

Il haussa les épaules. Ils l’aimaient, oui. Au point d’avoir refusé de le laisser partir, devenir un buveur de sang, d’avoir fait de ses jours une souffrance permanente puisque l’homme de sa vie était mort. Ils l’avaient poussé à mettre son cœur en berne, avaient tenté de le faire sortir, rire, s’égayer.
Ils l’aimaient, mais ne s’occupaient pas de ce que lui aimait.

Make love your goal

Il resta un long moment assis, pensa à sa vie, à toutes ces années où ses amis l’avaient protégé contre lui-même, contre son amant contre les vampires. Et leurs mots revinrent en sa mémoire :
I'll protect you from the hooded claw
Keep the vampires from your door


Mais peut-on se protéger contre l’amour ?


0 commentaires: