A une époque, pas si lointaine, j'écrivais des fan-fictions.
Un jour, en rentrant chez moi, j'ai entendu cette chanson,
The power Of Love de Frankies Goes Too Hollywood.
Ces paroles m'ont inspiré ce texte, avec deux personnages que j'affectionne.
Il dormait depuis longtemps dans mon ordinateur, j'ai décidé de vous l'offrir.
Les paroles en anglais sont celles de cette magnifique chanson.
Alors que le vent, froid et puissant,
soufflait, un jeune homme, vêtu d’une immense cape de soie noire, se faufilait
dans les rues sombres de la grande capitale. Il marchait d’une allure vive,
tête baissée, à demi cachée par le haut col de sa tenue. Il s’arrêta et se
tapit dans un recoin. L’objet de sa filature venait de laisser choir un mouchoir.
Il soupira. Ce guet était vraiment une mauvaise idée. L’autre pouvait le voir,
sentir sa présence au moindre faux pas…
I'll protect you
from the hooded claw
Mais, comment résister ?
Il reprit son cheminement attentif, le suivant dans chacun de ses
déplacements... il le lui avait promis, avant...
Keep the vampires
from your door
…avant de devenir une ombre.
Il maugréa, lorsqu’un chat souffla
aigrement. Il retroussa ses lèvres en un rictus sauvage et la bête s’enfuit,
miaulant tout son effroi. Il ricana.
L’homme continuait sa progression. S’était-il
seulement aperçu qu’un animal venait de s’égosiller ? Le guetteur en douta.
Amèrement.
L’autre avait tant perdu, cette nuit-là.
Jusqu’à son sourire si merveilleux qui éclairait son visage pâle. Il sentit au
fond de lui son estomac se contracter. Il ne devait plus penser à tout cela !
Il n’était qu’un souvenir…
Une ombre qui avait promis de le protéger !
Feels like fire
Mais peut-on lutter contre l’amour ?
L’autre poussa la porte d’une taverne. Il
le suivit dans cet antre de débauche et le vit s’installer à une table ronde,
seul. Une serveuse, jolie, vint quérir la commande. Il ne l’entendit que trop
bien. Leur boisson…
I'm so in love with you
Il soupira. Il s’évertua à se fondre dans
la noirceur d’un coin de la pièce. Proche. Très proche. Mais toujours dans l’ombre.
Cette nuit, encore, l’autre boirait. Trop.
Il s’enivrerait pour noyer les réminiscences de leur passé. Pour bannir ses
souvenirs de leur amour. Pour effacer cette soirée macabre où il avait perdu la
vie. Le souffle. Pour chasser de sa mémoire les combats morbides. Les luttes
incessantes. Les morts. Pour oublier sa décadence, sa propre déchéance. Et l’accumulation
de cercueils autour de sa misérable existence.
Pour que ses rêves soient plus beaux que
la triste réalité.
Dreams are like angels
Pour que les démons restent derrière les
fenêtres. Il murmura.
– Oublie tous les malheurs qui t’ont
frappé. Jusqu’à ma mort… parce que dans tes rêves, je le sais, je suis encore
là. Parce que notre amour subsiste. Que tes bras se serrent encore sur mon
corps et me font vibrer, tout autant que nos baisers ! Alors, oui, rêve mon amour. Rêve et
laisse-moi me charger des démons.
They keep bad at
bay-bad at bay
Et si un jour, je trouve la force de sortir de l’ombre, de venir dans ta
lumière et de te dire combien je t’aime, combien tu me manques ?
Love is the light
Combien toutes ces heures à te voir dépérir me font souffrir ? Oh, mon
amour… que la nuit est froide. Que la mort est triste sans toi.
Scaring darkness away-yeah
Et l’homme but. Il commanda verre sur verre,
au-delà de la raison. Et lorsqu’il se leva, il tituba. L’ombre manqua de le
rattraper et de s’exposer à la lumière, certes doucereuse, de cette taverne et
de faire s’effondrer le peu de lucidité qu’il restait à son amant. Il le laissa
tomber à genou et serra ses poings. Il suffoquait de le voir dans cet état
misérable.
Mais le temps où ils se retrouveraient n’était
pas encore venu. Pas ce soir. Pas ainsi. Alors, il se mura dans une torpeur
indicible et attendit que l’autre se relève, se trémousse maladroitement jusqu’à
la porte, et chancelle dans la rue, sombre et froide.
Il le suivit. Pas à pas.
Enfin, l’homme parvint devant sa demeure,
magiquement cachée, où il croupissait depuis l’avènement des sorciers fous. Il
brandit, tremblant, sa baguette. L’entrée apparut. Petite chose en bois meurtri,
fané. Il la poussa. Un horrible crissement raya la nuit. L’autre n’y porta pas
d’intérêt et s’engouffra dans l’antre presque chaleureux.
Il ne pouvait pas pénétrer ce lieu. Il n’avait
pas été convié. Il s’enveloppa dans sa cape et disparut.
I'm so in love
with you
Pour ce soir, l’autre était enfin en
sécurité. Nul ne pouvait franchir la porte d’un sorcier sans y être attendu.
Invité.
Le guetteur réapparut en haut d’une maison
lugubre. Abandonnée par les années et s’effondrant peu à peu, ruinée par le
manque de vie, d’âme. Il marcha sur le bord du toit, tel un somnambule, et se
laissa glisser le long de la façade. Il s’élança au travers une fenêtre
éventrée.
Purge the soul
Il médita un long moment, toisant les
étoiles, avant de s’enfoncer dans la noirceur de la demeure. Descendre dans les
bas-fonds. S’enfouir dans les ténèbres éternelles et devenir, l’espace d’une
nouvelle journée, un souvenir.
Make love your goal
Pour que demain, il puisse le protéger. Par amour. Car c’était la seule
chose qu’il désirait encore. Son unique raison d’exister. De survivre. Son seul but.
Make love your
goal
Combien de fois, ces pairs lui avaient intimé
de laisser cet humain à ses tourments, de devenir un être parfait. Un immortel
aux pouvoirs décuplés. L’un d’eux avait même tenté de le détourner de son affection,
de s’immiscer dans son lit, de lui offrir une nuit charnelle. Une éternité de
luxure et de plaisir contre ces ténèbres de souffrance amoureuse.
Il déglutit.
Son corps lui manquait. Son odeur, sa peau douce sous ses doigts…
This time we go sublime
Et leurs ébats sensuels. Les caresses
divines et tendres. Les baisers suaves. Il laissa un gémissement sortir de sa
gorge sèche. Et des larmes coulèrent, rouges de sang, sur ses joues blanches.
Lovers entwine-divine divine
La journée fila. La pénombre vint.
Et, avec elle l’attente.
Son amant sortit, jeta un coup d’œil
discret vers le parc, enfonça ses poings dans les grandes poches de sa
redingote et s’élança sur le pavé sonore de la rue sombre. Il apparaissait
toujours à la même heure. Nuit après nuit. L’heure où ils s’étaient avoué leur tendresse.
L’heure où ils l’avaient consumé. L’heure où ils avaient franchi les portes du
plaisir. Malgré les interdits, les barrières érigées entre eux.
Love is danger, love is pleasure
Il marcha. Longtemps. Dans les rues, les passages
étroits. Il arriva sur une place et vint frôler de ses doigts fébriles l’eau
glaciale d’une fontaine. Il se mira un instant dans le miroir fantasmagorique.
Ses traits tirés, ses yeux vides, ses lèvres blanchies. Un fantôme aurait été
plus coloré.
Il porta à sa bouche entrouverte une
goutte de ce liquide de vie et ferma les paupières sous le contact divin. Il
refoula une larme. Sa décision était prise. Sa main regagna l’antre chaud de la
poche de sa redingote. Il dégaina une fine lame argentée.
Love is pure-the
only treasure
Doucement, il la plongea dans le liquide
brillant, comme pour couper son reflet honnit, puis vint la poser délicatement
sur son avant-bras.
I'm so in love
with you
– Je ne peux pas vivre sans toi, souffla-t-il.
Le guetteur amoureux sentit en lui une
secousse effroyable. Un sentiment confus de joie mêlé à la terreur. Sa vie ne
tenait qu’à un coup de lame. Mais sa mort serait si douloureuse. Il s’avança
vers l’autre, telle une ombre et saisit son poignet avant le geste fatidique.
Purge the soul
Leurs prunelles se croisèrent. Et sur les
lèvres pâles de son amant naquit un sourire divin.
– Prends mon sang et donne-moi à boire le tien.
Make love your
goal
– Je m’y refuse. Tu dois vivre.
– Mais je meurs chaque jour un peu plus de ton absence.
– Je suis là. Toujours.
– Alors, prends-moi. Emmène-moi dans tes bras. Aime-moi !
Make love your
goal
L’autre se dégagea de l’emprise pourtant
solide, et trancha vivement son bras. Le liquide fusa. Long filet de vie qui s’écoulait.
Il tenta de résister. L’odeur chatouilla ses narines, provoqua une sensation de
faim, de soif. Il sentit ses dents s’affiner et le trouble de son esprit
grandir. Il savait qu’il ne pourrait lutter durablement contre l’appel du sang…
il succomberait.
The power of love
Alors, il céda. Il accepta ce cadeau et y
puisa la force. Il but le sang et retrouva dans cette effusion gargantuesque le
goût de son amant. Sa saveur délicate. Et quand il fut rassasié, d’un petit
coup de canine il entailla sa lèvre avant d’embrasser l’homme abandonné dans
ses bras. Il déversa en lui le liquide sombre et maculé de sa nouvelle
puissance. Il lui offrit la rémission. Il lui donna sa mort.
A force from above
Au petit matin, lorsque le soleil darda
ses doux rayons, il emportait son amant dans les profondeurs de sa lugubre
demeure. Il déposa le corps inerte sur le grand lit de sa chambre mortuaire et
le déshabilla. Il le lava. Sensuellement. Puis, il le couvrit d’un fin drap de
lin opaque, avant de s’asseoir dans un fauteuil de velours élimé.
Qu’avait-il fait !
Il enserra ses tempes de ses mains tachées. Souillées.
Qu’avait-il accepté !
Cleaning my soul
Des mois d’abstinences, anéanties en une nuit.
The power of love
Trois nuits durant, il abreuva le corps de
son amant. Il partait, dès les ténèbres tombées, en quête d’une victime.
Souvent de pauvres erres décharnées, épuisées par une existence misérable, à
qui il offrait un dernier repas chaud avant de les saigner, simplement. Il
venait, ensuite, déverser par de longs baisers, le flot de vie. Le flux de
mort, entre les lèvres froides de l’être qu’il adorait plus que sa propre âme.
A force from above
Et quand, enfin, le sorcier ouvrit ses paupières,
dans la noirceur de la troisième nuit, il sentit son cœur bondir. Ses magnifiques
prunelles pleines de cet amour si espéré. Ses grands yeux silencieux et
pétillants.
Ils laissèrent leurs corps assouvir ce
rite amoureux trop longuement attendu. Les mains ne délaissaient une parcelle
de peau que pour en caresser une autre. Les lèvres donnaient tant de doux
effleurements, tant de suaves cajoleries… tant d’amour.
Lorsqu’ils quittèrent le lit de leurs
ébats, le ciel étoilé les accueillit. Calme. Déchiré du chant de quelques
oiseaux aux mœurs étrangement noctambules.
A sky-scraping dove
De troublantes colombes aux ailes trop blanches venues voir la mort renaître…
Ils parcourent les rues sombres, mais leurs sourires effaçaient toutes les
noirceurs. Ils riaient. Ils dansaient au gré des musiques emportées par le
vent. Ils s’aimaient. Encore. Toujours. Et cette nuit, ils le montreraient au
monde.
Flame on burn desire
Demain, les autres viendraient quémander
leur dû, rejetteraient leur couple, l’infamie de cette relation. Leur vie se
résumerait, à présent, à des nuits de chasse et leurs jours à du repos dans une
alcôve calfeutrée.
Ils arrivèrent dans sa rue. Le sorcier
sortit, comme à son habitude, sa baguette du fond de la poche de sa grande
redingote et actionna le sort. Les pans de murs laissèrent naître la maison. Il
monta les marches et au moment de pénétrer dans l’antre sacré, se retourna.
– Entre, susurra-t-il.
Love with tongues of fire
Le jour, long et brûlant, ils restèrent
cloîtrés dans les pièces fermées. Ici, le noir n’était pas une illusion, la
lumière avait été bannie depuis des lustres… les murs semblaient la haïr tout
autant que les nouveaux habitants. Ils purent circuler dans les veines de la
maison, sans risquer d’être désagrégés.
Ils purent partager, échanger, se rappeler
les années passées ensemble, et celles qu’ils voulaient chasser de leur
mémoire. Celles où ils avaient vécu côte à côte sans pouvoir se voir. Se
toucher.
Purge the soul
– Tes amis vont te manquer.
– Mais je t’ai enfin retrouvé.
– Ils voudront te convier chez eux.
– Mon silence les poussera à m’oublier.
– Ils t’aiment.
Make love your
goal
Il haussa les épaules. Ils l’aimaient,
oui. Au point d’avoir refusé de le laisser partir, devenir un buveur de sang, d’avoir
fait de ses jours une souffrance permanente puisque l’homme de sa vie était
mort. Ils l’avaient poussé à mettre son cœur en berne, avaient tenté de le
faire sortir, rire, s’égayer.
Ils l’aimaient, mais ne s’occupaient pas
de ce que lui aimait.
Make love your goal
Il resta un long moment assis, pensa à sa
vie, à toutes ces années où ses amis l’avaient protégé contre lui-même, contre
son amant contre les vampires. Et leurs mots revinrent en sa mémoire :
I'll protect you from the hooded claw
Keep the vampires from your door
Keep the vampires from your door
Mais peut-on se protéger contre l’amour ?
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